Mis à jour le 27 juillet 2021
Sophie m’a contacté en début d’année pour témoigner sur le burnout. Après un premier jet, elle a remanié plusieurs fois son témoignage. Puis elle a eu des doutes : pouvait-elle se permettre de partager ainsi ce vécu ? Mais après quelques temps de réflexion, elle est finalement revenue vers moi : oui, elle était décidée à partager son témoignage ! Et l’on comprend à la lecture pourquoi un tel cheminement était indispensable : doutes, rechute, idées noires… Le témoignage de Sophie ne nous épargne rien : c’est l’un des plus crus et poignants que j’aie vus. Et c’est ce qui fait sa force : en nous présentant son burnout, dans tous ses tristes détails, Sophie apporte sa pierre à l’édifice pour la compréhension de ce mal et de toutes les manières dont il peut bouleverser une vie. Et pourtant, à la lecture de ce témoignage, c’est avant tout de l’espoir qui se dégage ! L’espoir de remonter la pente après être tombée au plus bas. L’espoir de trouver sa voie. Et surtout, l’espoir de prendre enfin soin de soi ! Merci Sophie.
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Je m’appelle Sophie, j’ai bientôt 50 ans, je suis divorcée, célibataire et vis avec mes 2 ados en région parisienne. Je suis assistante commerciale depuis plus de 25 ans.
Il y a 2 ans, presque jour pour jour, que je suis « tombée » pour burnout.
Bref, je ne me suis pas écoutée.
J’ai eu un an de signes avants-coureurs : insomnie, problèmes oculaires, perte d’appétit et de poids, sarcasme vis-à-vis de mon travail, grande fatigue… Mais je n’ai pas voulu écouter : « ça ira mieux demain », « ça finira par passer », « je vais me reposer et ça ira mieux ».
J’avais connaissance du burnout, et lorsque je suis restée bloquée sur mon canapé sans pouvoir bouger après une grosse réunion importante, je savais que cela pouvait être un signe. Ça m’a réellement interpelée. Mais n’étant pas du genre à m’écouter, je n’ai rien fait à part me reposer.
Et ce soir-là, fête de fin d’année de mon entreprise, je vais saluer mon président… et tombe net devant lui. Je me suis écroulée ! Oups ! Cette chute n’est pas un « hasard ». Car non, je ne suis pas en adéquation avec ce qui se passe dans l’entreprise, c’est loin de mes valeurs. J’ai cru à un problème de fragilité de mes chevilles et me suis rendue chez mon ostéopathe. Après m’avoir auscultée, il me dit « Madame, vos chevilles vont très bien, je pense que c’est votre tête qui vous lance un signe ». A partir de ces paroles j’ai compris !
Je suis en burnout
Au fond de moi je le savais ! Ces derniers 6 mois au sein de cette entreprise malsaine où tous les collaborateurs partent les uns après les autres, le décès de mon compagnon… Oui, je me suis saoulée au travail pour ne pas penser, ces dernières années où je gère seule mes 2 ados, mes derniers changements professionnels dans lesquels j’ai mis toutes mes tripes… Ce burnout est professionnel, certes, mais je pense cumuler avec « la charge mentale » de la femme. Penser à tout pour tout le monde. Je suis l’ASSISTANTE pour tout le monde.
J’ai donc immédiatement cherché vers qui me tourner et je me suis rendue au Centre du Burnout à Paris car je voulais un spécialiste de ce sujet.
OK, je suis en burnout.
J’ai rapidement « accepté », et je ne voulais pas m’entendre dire que j’étais en dépression car ce n’était pas cela du tout. J’ai été reçue par un super médecin et j’ai tout de suite été comprise, entendue. C’était très important pour moi.
Mais je n’étais pas prête à accepter un arrêt maladie de 15 jours… Moi qui ne m’arrête jamais, moi qui n’ai jamais fait de pause professionnelle depuis plus de 20 ans, moi qui gère tout. Le médecin a dû me faire revenir le lendemain afin d’en rediscuter, j’avais réfléchi après notre entretien et j’ai finalement accepté l’arrêt en me disant que ces 15 jours me feraient du bien.
Le médecin m’arrête déjà pour 1 mois et confirme le diagnostic : « épuisement professionnel ». Il m’explique que c’est très long et me prépare à un très long arrêt d’environ 1 an, avec ordre de me faire plaisir, penser à moi et me reposer ! Je commence à réaliser que je suis dans un sale état, que j’ai poussé la machine beaucoup trop loin. Je n’en veux à personne, même à mon ancien employeur : je n’en veux qu’à moi-même, mais ne culpabilise pas pour autant.
Prendre soin de soi, quoi qu’il en coûte
Cela fait bizarre de devoir se faire plaisir, de prendre du temps pour soi, de ne rien faire. Mais j’y prends goût ! J’ai commencé un traitement de stimulation magnétique transcrânienne car je n’ai pas souhaité prendre les antidépresseurs immédiatement proposés. Ce traitement m’a permis de remonter immédiatement la pente, j’ai retrouvé rapidement un bon sommeil, de l’apaisement, un mieux-être physique et psychologique.
Le hic c’est que ce traitement n’est plus remboursé, il est lourd et reste à ma charge. C’est mon choix, mais je suis en colère que la seule solution gratuite proposée soit les antidépresseurs… Je n’ai pas envie d’en prendre, et les séances avec ma psychologue sont très peu prises en charge. Je dépense l’argent que j’ai mis de côté pour les vacances pour des solutions qui ne sont pas prises en charge, et c’est « double peine » : on souffre, mais on ne peut pas se soigner avec les méthodes choisies (hypno, coach, RTMS, massages, médecine chinoise …). Bref, j’ai perdu la santé puis vidé mon compte en banque. Je trouve cela injuste.
Burnout, et après ?
Nous voilà en septembre, cela fait déjà 7 mois que je suis en arrêt, je tourne en rond : mes amis travaillent, les enfants sont en cours. Les journées sont longues, vides de sens, et je m’interroge beaucoup pour la suite. Que vais-je faire ? Car je sais que je ne retournerai pas dans cette entreprise. Cette période est extrêmement anxiogène.
J’ai récupéré, même si bien sûr la fatigue est toujours présente. Je me suis inscrite à une formation, mais je n’ai pas la force de la faire. Je me sens nulle ! Mais que vais-je faire ? Je négocie donc une rupture conventionnelle. Oui, alors que je viens d’avoir une promotion que je me suis battue pour avoir, je pars pour mon bien-être ! Et c’est une décision difficile. Mais j’assume, même si ce n’était pas ce que j’avais programmé dans ma tête.
Puis on me propose une opportunité dans une société concurrente. Je l’accepte, par peur : peur du lendemain, peur d’être au chômage avec mes 2 ados… Et je n’ai pas la force de m’engager sur un projet de reconversion professionnelle… Cette peur ! Grrr ! Mais j’accepte aussi parce ce que ma nouvelle boss a fait un burnout, parce que j’ai confiance dans cette société qui va me permettre de remettre le pied à l’étrier.
En novembre 2019 je prends donc un poste similaire. Avec du recul, je ne sais pas comment j’ai fait : n’arrivant plus à écrire, je n’arrivais même pas à prendre de notes sur les explications, avec beaucoup de process à assimiler… Je dormais en rentrant pour recharger la batterie avant de préparer le dîner. A partir du jeudi, mon cerveau n’enregistrait plus rien, j’étais saturée d’infos… Et en janvier (évidement après avoir fait mes preuves), je me sens de nouveau glisser vers le burnout… J’ai trop forcé : nouveau job, 5 jours par semaine… c’était trop. Je ressens immédiatement des soucis oculaires. J’ai appris à écouter ces petits signes, au moins !
La rechute
Et là je suis très mal, très mal jusqu’aux pensées suicidaires ! Je n’ai plus envie de vivre, je ne veux pas rechuter et j’en ai marre de me battre ! Me revoilà à dormir le week-end pour me remettre de la semaine, comme avant de « tomber » : ce n’est pas ça la vie ! Je réfléchis même à comment mettre fin à mes jours sans souffrir, pas violement pour préserver mes enfants, des idées très noires que je n’avais jamais eu auparavant…
J’appelle rapidement mon médecin pour lui expliquer, et je refais immédiatement une seconde cure de RTMS. Mais celle-ci n’a pas autant d’effets que la première, et je me sens glisser dans une profonde dépression… Je dois faire quelque chose.
Je prends donc rendez-vous près de chez moi avec un psychiatre dans un Centre Médico-Psychologique, et je ne finis par accepter les antis dépresseurs. Je ne peux pas refaire une 3ème cure, puis peut être une 4ème – car il faut en refaire régulièrement. Et je me dois d’aller mieux au moins pour mes enfants. Quelle image ont-ils de moi depuis ces 3 dernières années ? Je ne souhaite plus qu’ils me voient comme ça.
Je ne vois plus d’autre solution que de commencer un traitement, qui effectivement me fait du bien, pour supprimer toute idée noire.
Confinée, délivrée !
Puis le confinement de mars 2020 est arrivé : télétravail, réveil plus tardif, plus de transport… Cette combinaison m’a sauvée. Et j’ai réellement apprécié le confinement : la slow life, le calme, les oiseaux qui chantaient. J’en ai profité pour travailler sur moi, faire beaucoup de méditation, de repos encore. Cette « drôle » de période m’a été salutaire !
Aujourd’hui avec le recul, je pense que j’ai repris trop tôt. Mais je n’ai pas de regret : ce job m’a permis de reprendre confiance en moi, mes troubles sont de plus en plus légers, j’ai retrouvé de l’énergie et SURTOUT DE L’ENVIE. Du coup, je sens que je ne suis pas alignée avec mes désirs profonds, ce travail ne me convient plus : je m’ennuie, je perds certaines compétences inexploitées, j’apprends moins … Il ne manquerait plus que je fasse un bore-out ! J’ai besoin d’un travail épanouissant, enrichissant !
Une suite encore à construire
2 ans après, me voilà de nouveau en plein questionnement : mon job ne me rend pas heureuse ! Il va falloir entamer de nouvelles réflexions… Qui ne sont d’ailleurs pas nouvelles : elles ne font que resurgir parce que je vais mieux ! Mais j’ai avancé, et je suis aujourd’hui armée pour les mener en m’écoutant et me respectant ! Même si j’ai encore un travail à faire sur mon addiction au travail (oui, j’ai bossé comme une dingue en décembre), j’espère trouver ce « cadeau mal emballé » qu’apporte le burnout. Après cette épreuve, je me sens encore plus forte !
Il me reste à trouver ce chemin, celui-ci semble se tourner de plus en plus autour du burnout, ce sujet me tient vraiment à cœur. Mon projet est de faire de la prévention, de parler qualité de vie au travail. Par un poste de CHO (chief happiness officer) dans la société dans laquelle je travaille, par exemple ! Je suis persuadée qu’il y a beaucoup à faire en entreprise.
Vais-je en avoir le courage ?
Conclusion
Le message que je veux faire passer est avant tout d’écouter son corps et les signes qu’il nous envoie. N’attendez pas comme moi de perdre la vue ou faire des malaises, des chutes, de perdre 10 kg pour consulter… Car la remontée sera d’autant plus longue. Je ne souhaite à personne de traverser ce tsunami du corps et de l’esprit, même si cette nouvelle épreuve fait grandir, comme toutes les épreuves.
« Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort »
S
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2 commentaires
Anonyme · 29 février 2024 à 10 h 33 min
Bonjour
J’aurai aimé savoir combien de temps as-tu pris des antidépresseurs ?
Merci et courage à tous ceux qui liront ce blog
Florence
Anonyme · 18 avril 2024 à 13 h 59 min
Je suis également en burn out depuis le mois de novembre c’est très dur au quotidien
Je suis en arrêt de travail et je m’inquiète pour mon.avenir professionnel
Je ne peux pas retourner dans l’entreprise où je suis
Je postule ailleurs mais pas de retour positif
Je me dévalorise tous les jours et je n’arrive pas à reprendre confiance en moi